Elle existait dès le 17 ème siècle et semble avoir commencé par le travail de la corne. Après des hauts et des bas, il ne restait plus en 1758, que deux ouvriers fabricant des éventails. Le réveil de la tabletterie survint peu avant la Révolution. On comptait à cette époque 1200 ouvriers dans la région de Méru. En 1788, on fabriquait des jetons et fiches en os.
En 1836, Méru s'occupait surtout de la petite tabletterie : dés, échecs, jonchets, dominos, boîtes en bois, touches et dièses de pianos, boutons de toutes sortes.
Les guerres firent cesser totalement la production et il faut attendre 1815 pour voir la reprise de la fabrication.
Dans les années 1830, trois fabricants Méruviens occupaient une trentaine d'ouvriers à la confection des boutons de nacre. La production de Méru était minime par rapport à celle d'Andeville qui occupait plus de 450 ouvriers. Trois maisons principales, et quelques fabricants occupaient environ deux cent cinquante personnes au travail des boutons d'os. La fabrication des dominos qui avait commencé avec celle des jetons et fiches, était mieux soutenue. Elle employait à Méru environ 150 personnes et produisait un minimum de vingt mille jeux de toutes sortes.Une vingtaine d'ouvriers travaillaient à la confection des couteaux en os, ivoire, buis ébène et autre bois exotiques. On en préparait environ six mille douzaines. Les autres articles de tabletterie en os et ivoire occupaient à Méru et dans quelques bourgs avoisinants plus de cent personnes travaillant au tour et à la main avec une adresse remarquable. La confection des chausse-pieds s'implantait à Méru après avoir uniquement occupé
Andeville pendant 25 ans. La situation de la tabletterie Méruvienne était donc florissante.
En 1837, cette industrie locale employait 1900 ouvriers pour les deux cantons de Noailles et Méru. La guerre de 1870 fit à nouveau cesser le travail. La reprise de l'activité s'accompagne du début de l'industrialisation. Commencent alors la fabrication des boutons en nacre ou en corozo et des éventails à monture en nacre. Des usines s'élevèrent, la machine à vapeur remplaça la force manuelle.
Après l'os, on travailla la nacre franche, le "burgau", le "goldfish", d'abord à la main puis mécaniquement. On fabriqua aussi des touches à piano, des jeux en bois, des mètres en buis, les objets les plus divers.
La grève des boutonniers de 1909
Le 3 mars 1909 à Andeville, l'industriel Schindler affiche de nouveaux salaires amputés d'environ le tiers "pour résister à la concurrence". Le soir même, les quatre grandes fabriques du village sont en grève (Schindler, Marchand, Guérault et Baron). Puis, le mouvement s'étend à tout le canton de Méru en une semaine : Méru (6 mars), Lormaison, Saint-Crépin, Amblainville, Fresneaux, Lardières, Montherlant (9 mars), Laboissière, Petit-Fercourt, La Villeneuve-le-Roy (10 mars), Valdampierre et Corbeil-Cerf (11 mars), Esches et Le Déluge. Seules les communes d'Ivry-le-Temple et du Mesnil-Théribus ne suivent pas. L'intransigeance patronale bloque les négociations. L'atmosphère se tend, et le ton monte. Durant la nuit du 27 au 28 mars, la maison de l'industriel Potellé, les usines Marchand et Lignez sont attaquées. Le 28, les gendarmes chargent la manifestation réunie à Amblainville et blessent 20 personnes. La résidence cossue de M. Doudelle, vice-président du syndicat patronal, est le soir même mise à sac par des manifestants inconnus.
A la suite d'incidents multiples, le Préfet et le gouvernement Clémenceau envoient l'armée, procédure courante au début de ce siècle. Hussards, cuirassiers, chasseurs, dragons, sont répartis en une trentaine de pelotons dans les villages du canton, sous l'autorité du général Nicolas. L'armée ferme les cafés, où se réunissaient les grévistes, et multiplie les arrestations de syndicalistes accusés de troubles et sabotages (la grève est légale depuis 1865, et le syndicalisme aussi). Le futur maréchal de France et vainqueur de la Marne, Joffre vient superviser cette "campagne de Méru"...
Le 14 avril, la grève est générale et touche aussi les autres corps de métiers. 6000 personnes assistent au meeting où prennent la parole J.B. Platel et Niel, secrétaire général de la C.G.T. La brutalité de la répression a fait du mouvement revendicatif des boutonniers de Méru un conflit social de caractère national. Des dirigeants nationaux de la C.G.T. viennent à plusieurs reprises participer aux rassemblements et soutenir les grévistes, même si certains d'entr'eux, de tendance "réformiste", sont en désaccord avec les actions individuelles à l'encontre des patrons et des non grévistes. La grève des boutonniers de 1909 est un des derniers exemples en France d'un mouvement populaire important fortement influencé par l'anarchisme, répondant à une intransigeance patronale très marquée.
Le 23 avril, le Préfet fait accepter par la majorité des patrons le tarif pratiqué à Andeville en 1908. Mais il y a encore 1100 grévistes le 24, 2000 le 3 mai, et 1000 le 6 mai. 3000 personnes participent au meeting du ler mai à Méru. La grève se termine avec les dernières résistances patronales : le 4 mai à Méru, le 20 mai à Andeville, et le 10 juin pour les 107 derniers grévistes. Le 3 juin, les soldats ont quitté Méru.
À la fin mai, la grève est terminée dans toutes les usines du secteur, par ce qui peut apparaître une victoire des ouvriers sur l'obstination patronale. En fait, dès 1910, les ateliers asphyxiés par la concurrence étrangère commencent à fermer les uns après les autres. La première guerre mondiale, de 1914 à 1918, porte un coup décisif à l'industrie boutonnière de la région de Méru. Nombre d'ateliers ne redémarrent pas en 1918, qui ont perdu à la fois main d'oeuvre qualifiée et débouchés, car les goûts du public changent. Quelques fabricants maintiennent tout au long du 20ème siècle la tradition d'une profession, devenue inéluctablement "métier d'art et objet de musée".